[ Le Voyage de Chihiro - Analyse et Interpretations ]


[ D'Un Monde A L'Autre - Par Robert Tripoux ]

Un des éléments géniaux de cette partie du film, c’est d’amener progressivement les protagonistes dans cet autre monde par de petits changements infimes, et non pas brusquement par le moyen du tunnel, comme on pourrait le croire au premier abord. Tout d’abord, la situation initiale : les personnages sont dans la voiture, qui circule dans un Japon tout ce qu’il y a de plus moderne, sur une route asphaltée et bordée de deux glissières de sécurité. Après quelques minutes, la voiture s’engage sur un chemin qui doit mener la famille vers sa nouvelle maison, et le premier élément de changement se manifeste : une rupture brutale entre la route et un chemin de terre défoncé, qui paraît déjà fort suspecte.

En effet, on s’attend difficilement à un pareil changement dans la continuité de la route, ce type de chemin se trouverait plutôt à une bifurcation, permettant de quitter la route. De plus, cette route se trouve dans une zone assez urbaine et d’ailleurs la présence des glissières de sécurité montre qu’elle doit avoir une certaine importance. Immédiatement après cette rupture, la présence des petits oratoires et du Torii au pied de l’arbre explicite cette entrée dans un nouvel espace (de même, la très forte symbolique du portail Torii, marquant l’entrée dans un temple Shintô et donc par extension dans le monde mystique).

La réaction de Chihiro vient confirmer l’anormalité de la situation : on a beau se trouver au Japon, on ne trouve pas pour autant des oratoires à tous les carrefours. Dernière preuve de cet élément perturbateur : l’erreur du père de Chihiro, qui constate avec étonnement qu’il s’est engagé sur la mauvaise voie pour rejoindre son futur domicile (erreur fort peu convaincante toutefois, puisqu’il a déjà certainement dû se rendre plusieurs fois sur les lieux et doit plus ou moins connaître le trajet). On peut donc penser que ce n’est pas le père qui a commis une erreur, mais bien la route qui s’est changée « sous ses roues ». Ce premier élément peut être ramené à une thèse voulant que Chihiro doive se rendre dans cet autre univers et qu’elle a été « appelée » en quelque sorte [oui, comme John Locke dans Lost], idée qui sera abordée plus loin. Le père s’engage tout de même sur le chemin, pris d’une soudaine envie d’appuyer sur le champignon et de faire de la vitesse avec sa belle Audi.

Le paysage défile de plus en plus vite, et certains éléments défilent à une telle vitesse que l’œil du spectateur peut à peine les déceler, ce qui peut les apparenter à des images subliminales. Pourtant, ces éléments sont bien présents et contribuent à cette impression de passage : Le petit ruisseau, les oratoires. Soudain, le chemin défoncé devient pavé : nouvel espace, le chemin de terre n’était donc qu’une sorte de passage (cf. le Torii à l’entrée). Une statue qui défile dans le paysage, et soudain le père de Chihiro freine : le trajet en voiture se termine à l’entrée du Portail monumental. [Il serait peut-être intéressant de traduire l’inscription qui surmonte l’entrée du tunnel]. Il serait superflu de s’étendre sur la description de toute la symbolique qui entoure le tunnel, on retiendra là un nouveau passage.

Nouvelle pièce : une sorte de salle des pas perdus avec ses bancs en bois et son horloge. A noter dans une zone d’ombre : une sorte de fatras indescriptible, signe d’un long abandon du lieu (ce qui montre bien que malgré les changements, les personnages gardent toujours un pied dans le monde réel). Miyazaki en profite pour cultiver quelques mystères, avec ce vitrail à quatre couleurs qui éclaire la fontaine vide juste en dessous. La famille sort à l’air libre, pour entrer dans un décor des plus surprenants : une immense plaine, un océan d’herbe, parsemé de statues anthropomorphes.

Le merveilleux est ici à un degré important, ce qui suscite la remarque du père qui croit reconnaître un parc à thème abandonné (thèse tout à fait plausible d’ailleurs, preuve en est le décor de carton-pâte de la rue dans laquelle ils s’engagent ensuite). Les personnages gravissent une élévation de terrain, Chihiro est à la traîne : occasion d’admirer le paysage derrière le hall de gare, qui sera à comparer plus tard avec le même paysage à la nuit tombée. Un ruisseau coule faiblement dans des rochers, qui sera plus tard un véritable lac puis un océan ; à nouveau, une étape est franchie dans ce voyage.

Les personnages traversent le village désert, qui ressemble fortement à un décor de parc d’attractions. Tout ici respire le faux et le décor. De la fumée s’élève de la cuisine d’une cafétéria, les odeurs de cuisinent attirent les parents de Chihiro dans le piège. Chihiro ne mange pas, ce qui lui permet d’aller explorer seule le reste de la rue, et de franchir l’ultime étape dans son voyage : le pont menant aux bains. Le décor devient une reproduction d’une authentique pagode dans le plus pur style traditionnel et tout le tralala. Chihiro franchit l’ultime limite qui empêchera tout retour en arrière. Soudain, la nuit tombe et vient mettre un terme aux derniers éléments de réalité : Chihiro est passée « de l’autre côté ». Le village prend vie et ses parents sont devenus des porcs, les eaux du ruisseau ont grossi pour devenir un lac, le paysage entourant la tour de l’horloge est une ville illuminée alors que de jour il était désert.


[ Dans l’Autre Monde - Par TopMoumoute ]

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[ 26 Mai 2004 - E-Mail ]