Pourquoi cette bande dessinée ?

Je n’avais pas fait de BD depuis longtemps, ça me manquait. L’écriture, j’aime beaucoup, j’ai découvert ça en faisant mes sites, notamment Tubulamarok. Puis, on m’a montré quelques BD-Blogs, et j’ai repensé aux quelques BDs que j’avais faites avant, pas terminées, pas montrables, brouillonnes. Je me suis simplement dit « Et si moi aussi je faisais un BD-Blog ? Et si je me remettais à la BD après avoir écrit toutes ces pages ? » Voilà, ça part juste d’un Défi Personnel : cap, ou pas cap de faire une BD ? De s’y remettre ? Après, il y a aussi une envie : me faire un petit nom, et vivre de ma main, si ça marche.

Pourquoi ce thème du monde du travail ? Y’a déjà le Journal de Max, Caméra Café…

Parce que le monde du travail est pour moi un univers vraiment fascinant. C’est pour ça que j’ai gratté autant de pages à ce sujet dans Tubulamarok. Plus je le connais, et plus je trouve ça fou. C’est comme un monde parallèle, avec dedans des gens qui ne sont pas les mêmes que dans « le Monde Réel » - du moins de part mon expérience personnelle. Après avoir pensé à ça, j’ai repensé à tout ce qui existe déjà sur le même thème, j’ai bien sur pensé à Caméra Café ou le Journal de Max, et je me suis demandé ce que moi je pourrais apporter de nouveau, qu’est-ce qui faisait que je pouvais moi aussi avoir ma place dans ce « Créneau ».

Dans Caméra Café, on voit des gens qui s’ennuient. Dans le Journal de Max, on voit une personne désenchantée, qui n’y croit plus. Moi, c’est un peu différent, ça se passe dans plusieurs endroits, d’une part, et le regard que je porte sur ce monde est plus amusé, il y a un mélange entre la réalité et le rêve éveillé qui pour moi symbolise le fait que pour survivre à tout ça, on est forcé de s’inventer des histoires. Forcé de se faire un Film. Et on le voit tous les jours, pour éviter de péter un boulon, les gens se divertissent au boulot en surfant sur Internet, en écoutant les Potins, en parlant de la Météo en Salle de Pause… Tout ça c’est pour survivre. On survit en pensant à autre chose.

« Tout est Jeu, aussi jouons, et tout est Vanité, aussi, jouons ? » Tristan-Edern Vaquette, que tu sembles beaucoup apprécier.

Oui. Cette BD, déjà, est un Jeu, un Défi, pour voir si je suis capable de la terminer (même si par principe elle n’a pas de fin) d’une part, et d’autre part, en transformant cette Réalité en Jeu, ça devient plus facile de la supporter. Par exemple, si on me dit « Va à la Repro chercher les Documents », ça m’amuse pas des masses. Alors je travestie ça en Jeu dont je suis le Héros, en comparant tout à des Epreuves. Le fait de voir ça comme un Jeu est aussi une manière de se regarder de l’Extérieur, comme si le Monde du Travail était un Plateau de Monopoly : on est dans le Jeu sans être tout à fait dedans. On peut arrêter quand on veut, aussi.

On peut vraiment arrêter quand on veut ?

Oui. Rien ne m’énerve plus que les Gens qui râlent au Travail. S’ils ne sont pas contents là où ils sont, pourquoi rester ? Ils sont tout à fait libres d’arrêter et de chercher un autre Travail. Mais bien évidemment, ils n’arrêtent pas, ils restent car il y a l’Argent, les Factures à payer, le Loyer… Bien que ce soit très facile à dire, je pense qu’on peut très bien retrouver du Travail. Quitte à ce qu’il soit mal payé, mais qu’au moins, on n’y passe pas sa journée à râler. Je prêche pour un certaine Idée de la Responsabilité : Quelqu’un qui n’est pas heureux à son Travail est pour moi responsable de son malheur : Tu n’es pas content à ton Boulot ? Alors trouves-en un autre, regarde comment c’est ailleurs, y’a bien un Boulot où on est moins malheureux qu’un autre.

A force de jouer tout le temps, tu te coupe de la réalité, non ?

C’est possible. Mais tout voir comme un Jeu ne signifie pas arborer un sourire et une naïveté à toute épreuve et ne sous-estimer la gravité des situations. Je suis conscient de jouer un jeu, mais je sais aussi me regarder de l’extérieur et revenir à la réalité. J’ai souvent entendu la phrase « jouer le jeu » dans plusieurs Boulots, et je pense que ce n’est pas innocent : la Réalité est un Jeu, sauf qu’on a qu’une seule vie.

Dans le titre de la bd, il y a le mot « Survival », qui fait penser au jeu vidéo « resident evil », qui est le plus connu des jeux vidéos dit « horror survival ». Ca accentue ton rapport au jeu avec la réalité.

Oui, complètement. Au Départ, après avoir dessiné une Dizaine de Pages, je voulais appeler la BD « Surviving the Quotidien », mais je voulais quelque chose qui montre bien la Part du Jeu qui est dans l’Histoire. C’est pour ça que j’ai mis « Survival ». En utilisant ce Terme, ça parle aux Gens qui imaginent une Histoire où un Personnage survit, mais ça peut aussi surtout renvoyer aux Jeux Vidéos ou aux Films où des Personnages aux Capacités Limitées sont aux prises avec des Eléments qui eux, sont Illimités. Dans le Film « Zombie » de George Romero, les Personnages sont aux prises avec des Zombies qui viennent sans fin. Ca me semble bien coller avec le Monde du Travail où les mêmes Problèmes reviennent à chaque fois.

En lisant « quotidien » dans le titre, on pourrait penser que tu parles du quotidien, mais en fait tu parles du monde du travail non ?

Je ne pense pas me tromper en affirmant que pour tout le Monde, le Quotidien, ce n’est pas les Loisirs, les Passions, les Activités. Non. Le Quotidien, pour beaucoup de Gens, j’en suis persuadé, c’est le Travail. En tapant « Quotidien » dans Google, je trouve un Site qui prétend parler du Quotidien en parlant de tout ça : « La santé , la mobilité , le travail , la famille , les initiatives, les inventions , le jardin , la maison , les destins étonnants, l'insolite , les secrets de fabrication, les histoires de chez nous , le folklore , les nouveautés , les tendances... » On voit que le Travail est considéré comme une de ces Composantes alors qu’il bouffe 35 Heures par semaine ! On ne peut pas y échapper ! Le Vrai Quotidien, dans mon cas (et dans le cas des Gens à qui cette BD est destinée) c’est de s’emmerder au Travail, et pas de jardiner ou de s’échanger des Recettes de Tisanes (si bonnes soient-elles).

Oui mais tout de même, tout le monde ne s’emmerde pas au travail !

Ceux qui ne s’emmerdent pas au Travail, aucun problème, tant mieux pour eux. Et encore, dans le tas je suis sur qu’il y a des Gens qui refoulent un maximum pour se rassurer. Je pense à une Personne très Matérialiste qui m’a dit « Oui, mon Travail est Chiant, mais j’ai bien besoin de gagner de l’Argent !!! » Cette Personne refusait d’admettre qu’elle se faisait chier. C’est quand même INCROYABLE de refuser d’admettre ça, de le dire ! Ca dépasse le Refoulement, ça devient du Reniement de la Réalité des faits ! Et on peut faire une Comparaison Rigolote : Moi, je me fais chier au Boulot, j’en suis conscient, je le dis, je prends ça comme un Jeu pour que ça fasse moins mal au cul. Lui, pareil, sauf qu’il refuse de dire qu’il se fait chier car il y a la compensation de l’Argent. De nous deux, lequel des deux refuse de voir la Réalité en face ?

J’ai l’Impression que plein de Gens ont accepté le fait qu’il fallait faire quelque chose de chiant pour gagner de l’Argent, comme si c’était normal, comme on trouve normal qu’un Artiste soit reconnu et aimé une fois qu’il soit Mort (je pense ici à Vaquette ou à Costes). Personnellement, je ne peux pas vivre comme ça. Il faut être honnête avec soi-même et reconnaître (rien que ça, juste le reconnaître, c’est pas grand-chose) qu’on perd 35h par Semaine à faire quelque chose qu’on aime pas faire (je parle encore pour les Gens qui font quelque chose qu’ils n’aiment pas).

Dans mon cas, j’évacue avec la BD, pour d’autres c’est le Jardinage. Aucun jugement de valeur dans cette comparaison : On a tous besoin d’un Échappatoire, pour oublier. Tiens, un Détail : Plein de Gens disent « J’aime bien le Jardinage, ça me détend… » Si ces Gens n’étaient pas Stressés, est-ce qu’ils aimeraient autant le Jardinage ?

Ca veut dire que si un jour on te propose un cdi, tu va le refuser ?

Je suis en Intérim depuis 2004, et pour le moment je m’en sors bien. J’aime bien voir des Têtes différentes. L’Intérim me permet de faire mes Projets de BD et de Dessins. Si j’étais en CDI je n’aurais pas la même Liberté, donc je pense que je réfléchirais vraiment à deux fois avant d’accepter un CDI. La Question, c’est de conserver une Soupape de Sécurité. Ma Soupape à moi, c’est d’avoir le Temps de dessiner. Avec le Temps, j’ai appris que le Temps (Libre) est un Luxe qu’il est dur de se payer. Avec l’Intérim, j’ai du Temps Libre. Est-ce que j’en aurais autant avec un CDI ? Pas sur.

Oui mais en cdi, on peut partir au club med avec le comité d’entreprise !

Tout ce que je veux, c’est du Temps, et de quoi payer mes Factures. Je n’ai besoin que d’un Crayon, d’une Feuille, et je suis Heureux.

Si ta bd marche et que tu deviens dessinateur de bd, tu sera comme en cdi, et tu feras la même chose tous les jours…

Bien joué Monsieur !!! C’est le Grand Dilemme… Est-ce qu’en vivant de sa Passion, celle-ci perd de sa Beauté car on la fait pour manger ? Est-ce qu’en la pratiquant tous les Jours, est-ce qu’on n’en a pas marre ? Là où j’en suis, je ne peux pas répondre, je ne passe pas encore 35h par semaine à dessiner (j’en suis à un peu plus de 10 avec Quotidien Survival). On verra par la suite, mais en procédant par élimination, je peux déjà dire que je préfère être chez moi assis toute la journée à dessiner plutôt qu’autre chose.