En 2006 j’ai écrit une très longue page où
je disais du mal des deux premiers albums de Stupeflip. J’en
disais du mal en disséquant excessivement tous leurs morceaux.
Cette page m’a valu pas mal de réactions négatives.
Apparemment je me prenais trop la tête Stupeflip c’était
juste un délire, j’étais trop con et j’avais
rien compris au Crou. C’est probablement vrai. |
Quand
j’ai découvert Stupeflip, c’était avec «J’fume
plus d’shit». J’avais beaucoup aimé le coté
rigolo de la chanson, et, j’avoue, le fait de se foutre un peu
de la gueule des gens qui fument du shit (même si c’était
de l’autodérision) ne m’avait pas laissé indifférent.
La chanson faisait passer les gens qui ne fument pas de shit comme des neuneus mais bon, pourquoi pas, la chanson était fraiche après tout. Et puis j’ai découvert le single «Stupeflip», et on m’a fait écouté un autre morceau que j’ai tout de suite adoré : «A bas la hiérarchie». |
Fort
de cette belle mise en bouche, j’écoutais alors l’album
éponyme. Et c’est là que j’ai été
déçu. Déçu car (à tort ?) j’imaginais
que tout l’album était aussi bien que ces trois morceaux.
J’imaginais que l’album nous plongerait dans un univers
complexe, fouillé… Il est aussi tout à fait possible
que je sois trop exigent mais merde, c’est sacrément frustrant
de voir un univers aussi original ne pas être développé.
Regardez donc la pochette : un vaisseau qui quitte la Terre (celle-ci explosant) où vont donc aller les Stupeflip ? Qu’est-ce qui fait qu’ils ont quitté la Terre ? Pour beaucoup de fans avec qui j’ai correspondu, mes questions semblent être du pinaillage de merde, alors que pour moi, bien au contraire, c’est plutôt façon de pouvoir développer un univers, de raconter une histoire, c’est un formidable espace de liberté, une évasion… Au lieu de ça, qu’est-ce que ça raconte, Stupeflip ? Et bah, pas grand-chose malheureusement. Enfin, pas grand-chose de mon point de vue de mec qui aime bien que les choses soient un minimum fouillées. J’en demande trop ? |
Le Crou ne mourra jamais ? Ca me va. Stupeflip c’est un
truc stupéfiant ? Je valide : le morceau-titre est
stupéfiant et ouvre l’album en beauté. Ils font
des rimes qui riment pas ? J’aime beaucoup, ça change,
j’aime cette liberté (toutes les paroles du premier morceau
sont un enchantement). |
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L’explication numéro
un ? Un peu une redite de la présentation du Crou, mais
pourquoi pas, ces interludes me plaisent. L’épouvantable
épouvantail ? Un membre du Crou, à priori. Intéressant ?
Je ne sais pas, le personnage est à peine esquissé. Encore
un interlude, puis un autre titre : «Les monstres».
Kingju aimait bien les monstres quand il était enfant. Ok. Crou
nostalgie ? Rien à dire. Puis vient un autre personnage :
Pop-Hip, qui est un peu l’excuse de Stupeflip pour pouvoir interpréter
des trucs plus léger, volontairement un peu concons, mais pourquoi
pas (enfin au bout de trente secondes, je zappe). Ca chante en anglais,
la musique fait un peu Blink 182, dommage. Bref. Comme les zot ?
Idée très sympa. C’est quand que ça va bouger ? Media Terror ? Juste Stupeflip qui nous parle de ce qui se passe autour de lui. Pas génial. Arrive alors « Le C.R.O.U.», un morceau qui parle entièrement de quelque chose se passant autour de Stupeflip. A part quelques lignes bien pensées «Maintenant j’ai signé, et y’en a plein qu’ça a excédé, mais c’était ça ou décéder sans CDD sans avoir fait d’CD» pas grand-chose à se mettre dans l’oreille. Stupeflip (via le rappeur Mangu) tape un peu sur Johnny Hallyday, la Starac, Popstars, rien de méchant, pis c’est trop facile. Heureusement à la fin MC Salo dit un truc que j’aime beaucoup : «On dit que pétrir, c’est modeler, moi j’dis que péter, c’est démolir». Puis vers la fin, Kingju dit (à propos du fait qu’on ne sait pas grand-chose du Crou) «Faut bien garder un peu de mystère, exactement comme le mystère au chocolat». |
Ok, un album avec un super
univers, mais on dit rien dessus pour garder le mystère, euh,
d’accord. Mais c’est frustrant non ? C’est le
principe ? Un autre interlude, puis enfin arrive le sublime
«A bas la hiérarchie». Tout est bien dans cette chanson.
L’intro, le refrain, les couplets, franchement y’a rien
à jeter.
Dommage que juste après il y un morceau appelé «La bavure de Pop-Hip». On dirait du Air, dommage. On se réveille un peu avec The Cadillac Theory qui déboule juste après avec un plaisir scato des plus réjouissant (en beaucoup moins poussé que Jean-Louis Costes, quand même). Je passe sur «Passe mon truc», rigolo, sans plus, et encore plus sur «Stupeflip Home Version» calme, plat, inoffensif. |
L’album se termine
par «Annexion De La Région Sud» (à ce stade-là
je précise que j’ai pas vraiment compris les enjeux de
toutes ces régions, annexions, ères du Stup etc mais
bon, je dois un peu trop me prendre la tête ?) dans laquelle
Kingju fait des dédicaces à tout le monde. J’aime
beaucoup l’ambiance, vraiment, musicalement ça me plait.
Ca me plait autant que je suis frustré que ce ne soit pas plus
developpé. |
Heureusement, les affaires reprennent vite avec le deuxième
morceau, une véritable tuerie bien qu’un peu plombée
par des paroles parlant de retour, des gens qui pensaient que Stupeflip
n’était qu’un coup etc. |
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«L’enfant fou»
est un morceau intéressant (préfigurant le troisième
album). Ensuite, bah… J’ai du mal avec tout ce qui suit
(ça ressasse la même chose) à part le tout dernier
morceau, qui est vraiment très bon : «West Region'S
Inquisitors» ! A partir de une minute vingt, j’aime
beaucoup ces changements d’ambiance (même si la batterie
ne change pas), des couleurs différentes, des voix qui varient,
une vraie progression, de l’émotion qui prend son temps… |
Suite aux ventes de ce
deuxième album, la maison de disques du Crou (BMG )décide
de rompre leur contrat. S’ensuit un procès, perdu par
Stupeflip (via leur manager) et six années de silence pendant
lesquelles Kingju fait divers trucs à droite à gauche :
duo avec «Simone Elle Est Bonne», duo avec Ed Wood pour
«La Partie Commence », musique pour l'exposition
Gallierock de Jean-Charles de Castelbajac, un titre avec Lofofora
sur l'album Mémoire de singes (avec une pochette signée
Kingju). |
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Et bah c’est pareil. Et c’est justement ça qui me déçoit un peu dans le troisième album, intitulé « The Hypnoflip Invasion ». Cet album pourrait être le premier ou le second qu’on ne verrait pas la différence. Pas d’évolution, pas de changement, la même formule, les mêmes tics. Les morceaux rock/rap sont là, les interludes, Pop-Hip est là, les voix rigolotes sont là, tout le monde est là. C’est énergique, ça défonce, ça castagne, y’a des rimes qui claquent, bref, contrat rempli. Objectivement, c’est bien. |
Après,
pour ceux (dont je fais partie) qui auraient adoré voir Stupeflip
pousser son univers un peu plus loin, et proposer un truc un peu plus
frais, quitte à ce que ça soit foiré, c’est
la catastrophe. Le seul truc nouveau dans ce troisième album,
c’est quand Pop-Hip meurt. Pourtant, le début de l’album est magnifique, à commencer par l’intro qui reprend le motif qui clôt la fin de l’album d’avant, puis nous embarque dans une ambiance tout aussi Stup Religion, mais avec cette fois-ci une nouveauté : INVASION ! Chouette, une invasion, les Légions du Stup vont tout envahir, tout péter ? Ca me plait. J’ai hâte. |
Le deuxième morceau
(Stupeflip Vite) ouvre donc cette invasion avec force matraque et
moult rimes qui claquent. Seulement ça ne suffit pas. Ok la
musique est très bonne, le rythme est bon, les paroles résonnent
bien, mais comme je le disais plus haut, ça pourrait tout aussi
bien être un morceau des anciens albums : très bon,
intemporel, mais décevant pour peu qu’on cherche une
trame narrative (Stupeflip revient, déteste toujours autant
les gens, blablabla…). Mais bon, patientons, la suite sera surement
meilleure. Et comme introduction, un morceau comme ça, ça
envoie quand même pas mal. Enfin ça envoie pas mal mais
certains tics sont toujours aussi agaçants (« Sequestré,
bayonné, ligoté ») qui revient 457 fois dans
le morceau, ça va bien cinq minutes. On ne se lasse pas tous
des mêmes trucs, pas vrai ? |
Et là, désolé
mais je ne peux vraiment pas écouter ce titre sans être
frustré. Le refrain est bon, mais niveau couplet, c’est
le néant (ce sera pareil plus loin) et c’est vraiment,
mais alors, vraiment creux. Même chose pour les paroles, qui
sont pour le moins banales (mais c’est peut-être voulu,
vu que c’est Pop-Hip qui chante). |
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A la fin du morceau, le
Crou dit à Pop-Hip de la fermer (comme d’hab) et on enchaine
avec Check Da Crou, titre éminemment différent dans
l’ambiance et le propos de Gaelle, mais toujours aussi pareil
que d’autres titres du Crou. Ca parle des Stup-Fanatiques, d’autres
trucs, c’est assez lassant (puisqu’il ne s’y passe
pas grand-chose de nouveau). |
Et
on enchaine sur le morceau suivant, Hater’s Killah, assez lourd,
musicalement assez ennuyeux, dont le propos durant 3 minutes 42 est
« Stupeflip c’est pas n’importe quoi, et ceux
qu’aiment pas ce sont des jaloux pas sympas ». Autre
interlude : Strange Pain, ambiance religieuse, discours à
l’envers, et on enchaine sur un titre catastrophique : Gem
Lé Moch. Ca rappelle beaucoup Java pour la gouaille et l’intonation (on est pas loin de l’imitation). Comme pour Hater’s Killah, le propos est simple (pourquoi pas) mais ça dure trois minutes sans aucun développement (l’ennui, l’ennui, l’ennui). |
Morceau suivant :
Sinode Pibouin, encore une bizarrerie religieuse à la Stup
Religion. On pourrait très bien zapper (ce morceau ne nous
dit rien qu’on n’a pas déjà entendu dans
l’album d’avant) sauf que le début du titre contient
quelque chose qui m’interpelle. On entend un gamin (Joel) qui
dit « C’est toujours la Religion du Stup, ils ont
pas évolué du tout, c’est encore la même
chose. Et moi j’en ai marre… » mais il est
interrompu par un membre du Crou qui lui rétorque « Mais
croyais-tu sincèrement que la Religion du Stup pouvait s’éteindre ? »
On appelle ça noyer le poisson, ou répondre à
coté… «Oui mais c’est de l’humour !»
Moui mais non, d’un coté Stupeflip se déguise
dans la peau d’un enfant pour décrire les méchants
adultes, et dans le morceau d’après il se déguise
en méchant adulte qui esquive la question (au demeurant pertinente)
d’un gamin. Pas bien cohérent. |
S’ensuite un instrumental
avec des chœurs religieux derrière, du plus bel effet.
Et une voix à la fin « Pop-Hip doit mourir ».
Puis un autre interlude : « Ancienne Prophétie »
n’apportant pas grand-chose, un peu du remplissage, avec le
même baratin, blablabla… |
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Le titre suivant, dédié
à Mylène Farmer, possède une petite dose de surréalisme
bienvenu. Arrive ensuite «La Mort à Pop-Hip», petit
interlude dans lequel Pop-Hip se fait tuer… Pas grand-chose
à dire. Idem pour Le cœur qui cogne» et ses
rimes faciles, que je ne peux honnêtement pas écouter
plus d’une minute non plus. Un nouvel interlude arrive :
«Keep the Faith» avec pour la 4587ème fois « Le
Crou est là, entre autre, pour terroriser la population »
et une musique qui ne bouge pas pendant un peu plus d’une minute. |
L’histoire
ne vaut pas grand-chose (un souvenir d’enfance de fête nationale)
mais contient un passage que j’aime bien, où Popol dit :
«J’aime bien les scènes de danse dans les films. La musique y est souvent étrange…» et là, la musique devient triste, assez mélancolique, et Kingju débarque pour des paroles divinement belles, qui à elles seules rachètent la banalité du reste de l’album. Les voici : |
«EH
! EHHHHHHH ! EH tu sais ce que j'ai au bout des doigts? J'ai un crayon
Titi! Eh ouais ! Un crayon avec un tête de Titi au bout. Et
avec ce crayon Titi, j'vais écrire un maximum de trucs passque
j'ai envie d'bouffer la terre entière ! Waaaah ! J'vais vous
STUPEFIER avec ce crayon Titi, parfaitement ! J'vais vous scotcher
à base de son de ouf qui t'emporte la tête, j'vais vous
TITizer la cervelle, j'vais en faire du flan Alsa, tout ça
rien qu'avec mon crayon titi ! MMMMmeuh ! |
Magnifique non ? La musique me parle, les paroles me parlent, c’est du bon boulot. Alors pourquoi est-ce que tout l’album n’est pas comme ça ? Est-ce que je suis trop exigeant ? Quelques secondes après le dernier morceau démarre un autre morceau «Cold World» que j’aime un peu, malgré une batterie limite. |
Heureusement
que les sons lancinants rattrapent le tout. Oui je sais je ne suis jamais
content, mais comment voulez-vous l’être face au gachis
que Stupeflip fait de son univers ? Comment ne pas être énervé
en lisant cette interview
dans laquelle Kingju peine à répondre aux (pertinentes)
questions du journaliste, avouant ici et là que finalement, tout
ça c’est du n’importe quoi ? Oui je suis énervé, et frustré, car sur scène, c’est pas pareil : c’est mille fois mieux ! Parce qu’ils jouent un peu du premier album, un peu du deuxième, un peu du troisième (tout ça dans le désordre) et que ça forme un best-of très très très convaincant. Du moins c’est ce que j’ai ressenti en allant les voir au Bataclan en 2011 : un très bon groupe avec un très bon univers pour un très bon concert. Quel dommage que les albums ne soient pas aussi cohérents, mais bon, et si c’était pas grave après tout hein ? |
[ 6 Mai 2012 - E-Mail ]