Brain Salad Surgery, avec sa Couverture connue, est l’Aboutissement pour le Groupe. C’est la Limite. Emerson Lake & Palmer vont au bout de leur idée, et poussent loin leur Bonhomme de Chemin en matière de « Rock Progressif ». Après cet Album, il y aura la Tournée Fleuve de 1974, le Groupe ne reviendra qu'en 1977 avec l'Album Orchestral Works.

Après Brain Salad Surgery, le Groupe ne pourra aller plus loin que Karn Evil 9, qui est LE Morceau qui finit l’Album, terminant le Parcours commencé avec Tarkus. Tarkus, Trilogy, et Brain Salad Surgery. En seulement 3 Albums, le Groupe a usé son Idée jusqu’à la Moëlle, là où les Rollings Stones continuent à pondre des Albums identiques depuis des Siècles sans aucune prise de risque. Fabuleux !

Brain Salad Surgery est presque parfait. Ce qui est « parfait », c’est que cet Album est parfaitement représentatif du Groupe, tout en étant à la fois son Apogée : dans sa diversité, dans sa cohérence, et aussi dans son Bazar, puisque n’oublions pas que c’est un Album d’ELP, et qu’à ce Titre, c’est du Rock Progressif « soulant » comme Magma : pleins de Notes partout, des idées qui fusent dans tous les sens sans réelle « direction », grandes envolées, production parfois un peu lourde. Emerson est bien entendu aux Commandes de presque tout l’Album.

Emerson découvre Giger, alors méconnu, et lui commande la Couverture de l’Album. A l’Origine, au Centre, à la place du « blanc » sous le menton, il y avait un Pénis. Si vous connaissez un peu Giger, vous imaginez l’importance des Symboles Phalliques dans son Œuvre. La Maison de Disque réussit finalement à « gommer » ce Pénis « Pornographique », et à la place, il y a du Blanc. La Pochette est Magnifique. C’est un Sarcophage / Caisson Cryogénique qui s’ouvre en son Centre pour que l’on découvre un Visage Féminin Etrange, inspiré du Visage de la Femme de Giger. Quant au Titre, apparemment ça serait une Expression qui se traduirait par « Fellation » en Français. Bon Goût !



Ce qui est fort, c’est que chacun peut aimer cet Album pour différentes raisons. Il y a le Morceau Ouverture, le Morceau Electronique Bizarre, la Ballade Acoustique, le Morceau Rigolo, et enfin le Morceau Fresque. Cinq Morceaux complètement différents, et là c’est pas différent genre « Là c’est plutôt Bleu, là c’est plutôt Violet » mais plutôt « C’est vraiment le même Groupe sur tout l’Album ? Ils ne sont vraiment que trois ?! ». C’est Parti !

Jerusalem démarre en Fanfare. La Voix Claire de Lake chante à Merveille cet Air Anglais très connu, que tous les Ecoliers Anglais chantaient à l'Ecole dans les Années 50. Emerson plaque plusieurs couches de Synthés, tandis que Palmer multiplie les Roulements. Le Son est assez lourd, et Emerson introduit des Sons bien Kitch. Heureusement, la Voix de Lake survole tout cela et donne une Hymne Fabuleux. Un Titre Parfait comme Introduction. En Concert, le Morceau ne change pas, mais bon, qu'est-ce qu'il y aurait à changer ou à ajouter ?


Arrive alors un Morceau Unique dans la Discographie d’ELP. « Toccata », une Adaptation du Quatrième Mouvement du Premier Concerto pour Piano d’Alberto Ginastera. J’ai cherché l’Original, pour l’écouter, et comparer. Mais bien sur, au Début, on a que cette Version, et je l’ai apprécié en elle-même : complexe, touffue, grandiloquente, poussive, monstrueuse, grotesque, que du Bonheur quoi !

Ca commence par le Thème, tout doucement, avec Palmer accompagnant aux Tambours, tranquillement. Puis ça grimpe, ça grimpe, et arrive le Thème, joué par Lake à la Basse, rejoint par la suite par Emerson. Sons Tordus, Accords répétés, multiples directions, interventions aux Tambours, Sons Aigus qui brisent les Oreilles, complexité de la Structure Mathématique, présence menaçante avec le Thème Principal. Puis arrive le Solo de Palmer, avec les Coups de Gongs derrière qu’on n’entend pas assez, et qui est très fort à voir en Concert.


Coups de Cloches Tubulaires, Son de Vent en retrait, Notes de Piano, puis là, le Retour des Machines, avec un Petit Parcours sympa de Lake à la Basse. Emerson revient alors avec pleins de Sons Electroniques, partout, en boucle, tandis que Palmer essaye de suivre derrière. Le Morceau se termine en Apothéose, partant dans tous les sens, pour finalement finir avec le même Accord de Début.

Le Titre Original est très différent, et on s’y retrouve un peu. Emerson a repris les Grands Moments du Concerto, en les mettant dans un Ordre différent comme l’Allegro Barbaro de Bartok sur le Premier Album. Toccata est pour moi le Morceau le plus « Dingue » du Groupe, tant dans sa direction que dans son interprétation. A jouer en Live, ça doit être…




En Concert, ce Titre sera joué de façon similaire. On pourrait penser que Palmer développerait le Solo de Percussion en le rallongeant, mais il le fera plutôt avec Karn Evil 9, dans la Seconde Partie de la Première Impression. Ici, Toccata est rejouée sur Scène à l’Identique. A ma Connaissance, la seule Vidéo où l’on voit ce Morceau est celle du California Jam, en 1974. Quelques images pour la route.

Le Morceau qui suit juste après, « Still.. You Turn Me On » est une Balade Acoustique de Lake avec derrière Emerson accompagnant, soit à l’Acordéon, soit au Clavinet. Très sympa, avec des Accords vraiment sensibles, le Refrain est pourtant pas tip-top, avec les « Waw-Waw-Waw » qui gâchent tout. Quelques passages au Clavinet me rappellent « Scarborough Fair - Canticle » de Simon & Garfunkel.




Benny The Bouncer est droit dans la Lignée de Jeremy Bender (Tarkus) et The Sheriff (Trilogy), c’est un Divertissement de Premier Ordre. Démarrant sur un Rythme Génial qui ne s’arrête jamais, Lake chante d’une Voix plus Violente les Aventures de Benny, un Type dans un Bar qui se bagarre contre un certain Sydney. Le Combat se finit par la Mort de Benny, qui devient Vigile à la Porte de St Pierre, au Paradis. Merveilleux Solo de Piano d’Emerson, Rythme très drôle de Palmer aux Brosses, Chant Génial ! Ce Morceau ressemble beaucoup à des choses comme « Seaside Rendez-Vous » de Queen. Ce Morceau a été joué sur Scène très rarement, lors de la Tournée de 1974 accompagnant l’Album Brain Salad Surgery. Sur le Live de Wichita, le Groupe jouera même la « Trilogie » Benny The Bouncer / Jeremy Bender / The Sheriff ! Six Minutes Trente de Bonheur !

Le Morceau qui arrive alors est Karn Evil 9. Ce Morceau est composé de Trois « Impressions » (ou Parties) et la Première est divisée elle-même en Deux Parties. Pourquoi ? En fait, à l’Epoque du Vinyle, il est impossible de pondre un Morceau de Trente Minutes et de le faire tenir sur une Face. Le Groupe coupe alors la Première Impression en Deux Parties. Ce qui fait que mettez le Disque, vous avez Jerusalem, Toccata, Still You Turn Me On, Benny The Bouncer, puis La Première Partie de la Première Impression, qui se termine en Fanfare. Ensuite, vous retournez le Disque, et Karn Evil 9 reprend, avec la Phrase la plus connue du Groupe « Welcome Back my Friends, to the Show that never ends » !


D’ailleurs, beaucoup de gens pensent que Karn Evil 9 commence directement là, alors qu’il y a l’autre Partie, avant, sur l’autre face. En CD, les Contraintes Technique sont abolies, et on peut alors entreprendre le Voyage d’une seule traite, Trente Minutes de Bonheur. Commençons le Voyage.

Karn Evil 9 est un Morceau Difficile à digérer. Déjà, 30 Minutes, rien que la Durée, il faut s’accrocher. Autre chose : c’est varié, les Rythmes changent souvent, et c’est dur de s’accrocher à un Rythme pour ensuite passer à un autre. Accords changeant, Solos d’Emerson, Batterie très présente qui ne s’arrête jamais, roulant dans tous les sens, et les Paroles de Lake et Sinfield, très Lyriques, collant parfaitement au décor. Ci-dessous, des Images du California Jam !


La Première Impression est Divisée en Deux Parties. La Première commence par une Introduction tranquille d’Emerson avant que les Trois jouent le Thème Principal « Cold and misty morning, I heard a warning borne in the air ». Le Rythme change tout le temps, on ne sait trop à quoi s’accrocher, à quel moment il faut taper du pied ou pas, ça change à chaque instant. Le Refrain, parfait, avec « I'll be there, I'll be there, I will be there » avant que ça ne recommence dans une autre direction. Ca part dans pleins de directions sans être « dirigé » C’est le reproche que je ferais, comparé à Tarkus, qui, même si il est aussi complexe et inventif, suit un Schéma Global qui le rend plus Homogène, et lui donne une Forme. Revenons à la Première Impression, à 02.30 Emerson nous fait encore un petit Solo, qui termine avec la Reprise du Thème Principal, très facile à retenir.




Puis, autre direction : « There must be someone who can set them free, To take their sorrow from this odyssey, To help the helpless and the refugee, To protect what's left of humanity. » et nous revoilà repartis avec un Solo d’Emerson. C’est impressionnant à voir sur Scène, Emerson joue sur Deux Synthés à la Fois places de façon Symétrique. Changements de Rythmes, encore (c’est le Morceau d’ELP avec le plus de perspectives, ça donne le tourni). Lake installe alors un Nouveau Thème à la Basse, repris en Fanfare par Emerson « Step inside ! Hello ! We've the most amazing show, You'll enjoy it all we know, Step inside ! Step Inside ! ». Ce Riff sera le Motif pour tout la Deuxième Partie de cette Première Impression.

Cette Partie est la plus facilement écoutable, car c’est très « Rock’N Roll » avec Solo là où il faut, et Rythme Binaire. C’est dans cette Partie que Lake nous gratifie alors d’un Superbe Solo de Guitare Electrique, encore Mieux que celui dans The Battlefield de Tarkus. A 07.27, c’est là, Lake joue un Motif très Beau, visiblement composé par Emerson, comme d’habitude. Ce Solo se termine en Grand Escalier qui descend, avant de s’emballer, de se retourner, en plein Tourbillon, tourne, tourne, tourne, … puis BOUM ! Le Morceau se termine sur une Boucle de Synthé toute douce ! Sur le Vinyle, ça se finit en Fade Out. On change de face, le Rythme revient en Fade In, et nous voilà à la Deuxième Partie de la Première Impression, la plus connue. Cette Petite Mélodie existait déjà en 1971, écoutez le Concert au Gaelic Park, en plein Aquatarkus ! Ci-dessous, la Scène, avec derrière, la Pochette de l'Album, Immense.




« Welcome Back my Friends, to the Show that never ends ! » ouvre en beauté le Début du Morceau. La Première Partie parlait d’un Futur où l’Humanité serait réduite en esclavage. La Deuxième Partie passe du coq à l’âne. L’Humanité se trouve présentée en Spectacle comme dans une Foire aux Monstres. Le Rythme est identique à tout à l’heure, facile à suivre, avec Breaks et Solos, d’abord d’Emerson, puis de Lake, à nouveau, qui rejoue le Solo de la Première Partie ! Emerson se lâche comme il faut, Palmer suit comme un Fou. Là où dans la Première Partie, tout se finissait avec le Grand Boum, ici, on reprend, on continue sur la même voie, et Lake développe davantage les Paroles, avec plus de détails. C’est à cet endroit qu’en Concert, Palmer mettra son Solo de Batterie. Le Morceau s’achève en fanfare, bien Grand, bien Pompeux, avec Emerson qui se permet même au Passage une Citation à Monty Alexander’s Ragtime Band !

Cette Première Impression est bien évidemment le Morceau le plus connu du Groupe. « Welcome Back my Friends, to the Show that never ends, Ladies & Gentlemen, Emerson Lake & Palmer » sera la Phrase qui ouvrira tous les Concerts par la Suite. Ci-dessous, des Images du Concert à Montreal en 1977, pour la Tournée Works.




La Deuxième Impression est très différente. Piano Acoustique, Jazz, Rythmes encore plus barrés, Multiples Directions, Idées et Inventions, le tout dans un Joyeux Bazar très drôle, avec même un Solo de Moog ressemblant à du Marimba. On entend même une Petite Voix (Emerson) déformée façon Hélium s’amuser, en coin. Citations à Pleins de Standards, Hommages, ce Morceau montre bien ce qu’aime Emerson, particulièrement Bernstein, avec ce Passage à 19.13 où l’on se croirait en plein West Side Story. Le Morceau se termine comme il avait commencé, florissant.


La Troisième Impression commence avec un Accord de Lake, saturé, puis Emerson nous joue des Trompettes, Palmer installe un Rythme Sympa, et le Morceau démarre comme un Morceau de Rock « Normal ». Le Chant de Lake y est plus agressif, plus mordant. Les Paroles traitent d’un Combat entre l’Homme et la Machine. Il est dur de ne pas penser au Combat entre Emerson, fasciné par ses Machines Electroniques (Toccata), et Lake, plus attaché à une certaine Tradition Guitaristique (Still You Turn Me On). D’ailleurs, Emerson se met lui aussi à parler, en faisant la Voix de l’Ordinateur (au sens « La Machine ») avec « No man yields who flies in my ship - Danger ! - Let the bridge computer speak - Stranger ! - Load your program. I am yourself. » Ce passage annonce le Début du Combat entre Lake / Homme et Emerson / Machine.

Le Chant de Lake se fait plus rauque, violent, puis Emerson joue une Mélodie au Mini-Moog très très Kitch, rappelant beaucoup Aquatarkus (Version Album - Courte) tandis que Carl Palmer suit derrière. Ensuite, c’est le Combat.

Tout ce Combat est Instrumental, et TRES Graphique. Air Sombre, annonçant une Tempête, Coups de Trompettes (à l’Orgue) Rythme Martial, puis on embraye sur un Solo d’Emerson, très intéressant, avec les Multiples Roulements de Palmer qu’on croirait posés là au hasard. On peut voir dans les Notes d’Emerson autant de Rayons Lasers, vue la façon dont elle sont disposées, et répétées.

A 26.19, Sons Bizarres, Trompettes en retrait, et là, c’est très imagé, avec ces Accords Plaqués très insistants, qui montent, qui descendent. Emerson nous entraîne alors à 27.14 dans un Tourbillon Saturé au possible, en Boucle, sur un Rythme Infini. Ecoutez ça à pleine Puissance, c’est Géant ! Au sortir du Tourbillon, Emerson et Palmer jouent chacun leur Tour, puis Lake revient avec la Victoire de la Machine sur l’Homme. « Leurs Tombes n’ont pas besoin de Noms, ils sont Enregistrés ». Emerson revient également, avec ce Dialogue entre lui et Lake :


Lake / Homme
Je suis tout ce qui existe !
Emerson / Machine
Négatif ! Primitif ! Limité !
Lake / Homme
Mais je t’ai donné la Vie !
Emerson / Machine
Qu’est-ce que tu pouvais faire d’autre ?
Lake / Homme
Faire ce qu’il fallait !
Emerson / Machine
Je suis Parfait, l’es-tu ?

La Fin de Karn Evil 9 se finit par la Victoire de la Machine, avec Lake essayant en vain de supplier la machine de le laisser en Vie, c’est très Opéra Rock ! La Machine commence alors à vouloir vivre par elle-même avec cette Boucle qui oscille de la Baffle Droite à la Baffle Gauche, de plus en plus vite, de plus en vite, vite, vite, vite, jusqu’à ce qu’elle s’arrête net. On peut y voir l’Image de la Musique essayant de « sortir » de son Milieu.

Je vois la Fin de Karn Evil 9 comme un aveu de défaite, aussi. Défaite, car Emerson a emmené le Groupe le plus loin qu’il pouvait, le Groupe ne peux pas aller « plus loin » que Karn Evil 9, et le Groupe se suicide, en tournant en rond de plus en vite, jusqu’à s’écraser sur lui-même, en se brûlant les ailes. D’ailleurs, en Concert, la Troisième Impression de Karn Evil 9 voit la machine derrière Emerson « déployer » ses Ailes de façon Théâtrale. Ce qui confirme ma Théorie de « La Musique voulant vivre par elle-même, sans les Humains » !




Cet Enorme Morceau sera joué en Entier (oui oui) pendant la Tournée de Brain Salad Surgery, en 1974. Après, le Groupe ne gardera que la Première Impression - Part II, la plus connue, qui commencera en Fanfare tous leurs Concerts. Karn Evil 9 a un défaut par rapport à Tarkus : sa Construction ne laisse aucun espace à l’Improvisation, à la Modification, à « prendre un autre chemin pour voir ce que ça donne» comme en témoigne tous les Concerts Pirates : Karn Evil 9 est joué à l’Identique, exactement pareil. C’est le Morceau Ultime du Groupe. Après Karn Evil 9, rien ne sera plus pareil.



Le Groupe prend une Pause, chacun enregistre des Trucs de son coté comme le suggère Emerson, puis en 1977, 3 Ans après, ils se réunissent, regardent ce que chacun à fait de son coté, puis se remettent au Boulot pour l’Album qui confirmera que ELP n’est pas un Groupe, mais une Association de Trois Musiciens, pour le Meilleur comme pour le Pire. Ca donnera Works, l’Album Orchestral. Mais avant, il y aura le Triple Live Légendaire !

Ci-Dessous, Karn Evil 9 joué par Plein d'Instruments !!! J'aurais aimé être là.

Part I
Part II


[ 30 Juin 2004 - E-Mail ]