Nous sommes en 1970. ELP a joué son Premier Concert à l'Ile de Wight. Le Premier Album d'ELP s'ouvre sur The Barbarian - Pour une Ouverture, on peut difficilement trouver mieux. Tout est là : l’Orgue, la Batterie Folle, et la Basse présente, mais plutôt en retrait. Dans le livret, Bartok. J’ai alors ressorti mon Album de Bartok par Zoltan Kocsis, et je vois « Allegro Barbaro ». Sympa !

La Version d’Emerson est quelque peu différente, la manière de jouer assez « percutante » (Emerson partage avec Bartok cette manière de jouer du Piano de manière Percussive) de l’Original est ici adoucie, mais à la place, l’Orgue Hammond donne un ton plus « hurlant », plus aigu, plus strident. Et puis, ce Son de Guitare Saturée, tandis que la Batterie s’emballe en même temps.

Note de Guitare Saturée, et puis on passe à la Deuxième Partie du Morceau. La Batterie joue un Rythme endiablé avec des Brosses tandis que le Piano joue le Thème Original, en plus rapide. Le Piano s’emporte, s’emporte, puis une Note grave revient, revient, et le Coup de Gong ! La Guitare Saturée revient, le Thème du Début également, l’Orgue Hammond s’amplifie, va plus loin, devient encore plus présent, la Batterie explose. Enfin, le Thème Principal revient, en boucle, tandis que la Batterie tourbillonne.

En Concert, ce Morceau très Technique prend toute son Ampleur, Emerson se lâchant comme à son habitude. En Studio, nous avons le Schéma, en Concert, Emerson fait ce qu’il veut, improvise, tout cela en gardant le Tracé en tête. C’est quelque chose que l’on retrouvera dans beaucoup de Morceau du Groupe : le fait de se laisser des Espaces d’Improvisations ou de profiter d’une Ligne de Basse en Boucle (Take A Pebble, Tarkus) pour mieux faire ce que l’on veut (que Emerson, bien entendu).

Take A Pebble - Changement d’Ambiance à 180 Degrés. Emerson gratte les Cordes à l’Intérieur du Piano à Queue, tandis que Palmer tricote quelques Sons de Cymbales. Puis Lake est là, avec une Voix douce, pas triste, mais assez nostalgique. La Basse joue tout en rondeur tandis qu’Emerson dessine une Rivière avec des petits cailloux dedans (ça me fait penser exactement à ça). Ca commence lorsque Lake dit « Just Take a Pebble » jusqu’à « That confold into me ».

Double Voix, avec le Refrain, puis on repart, cette fois-ci avec des Accords moins optimistes, sur des Paroles raccord. Emerson installe alors un Riff, tandis que Palmer se remet aux Brosses comme dans The Barbarian. Le Piano est ici Magnifique, tandis que Lake accompagne à la Basse les différents moments. Puis le Piano s’arrête, tranquillement, il y a des Sons de Gouttes d’Eau.

Lake gratte quelques Notes, et arrive alors un Passage Country de toute beauté. En Concert, Lake prolongera ce Passage en chantant les Paroles d’Old Blue (des Byrds) sur cette Mélodie. Ecoutez la Version du Live en Belgique ou celui du Lyceum, c’est Merveilleux. Le Passage s’arrête alors, et doucement, le Piano revient, avec un Nouveau Riff, sorte de Variation de celui juste avant le Passage Country. Emerson improvise (ou fait semblant) et nous voilà en plein Jazz. Pleins d’Images viennent : un Début de Pluie, avec des Nuages Gris, des Gouttes qui coulent sur une Vitre. A 07:57, Emerson installe une Transition, ici conduisant à une Ambiance encore plus Jazz, Palmer étant très présent. Ci-dessous, des Images provenant du Concert au Lyceum.



En Concert, cette Partie sera encore plus développée, comme je le disait plus haut sur les moments ou le Groupe part en plein délire pour prolonger une Ambiance. Emerson transformera ce Passage en Concert en pur Moment de Jazz Endiablé, avec le Clavinet installé sur le Piano, qui donne ce Son de Clavecin. Ca improvise dans tous les Sens, il existe 10.000 Versions différentes, c’est dingue. Au Début, vers 1971, Emerson inoculera des Passages de Hoedown et de Tank. Vers 1974, on change complètement, puisque Take A Pebble devient LE Moment Acoustique du Concert. Ca commence normalement, puis au Lieu du Passage Country, Lake chante carrément Lucky Man, Still You Turn Me On. Puis Emerson, lors du Passage Jazz qui suit, reprendra beaucoup de Thèmes (Little Rock Gateway, Fugue de Friedrich Gulda). Ecoutez le Live de « Welcome Back », c’est le Meilleur, bien que celui du California Jam soit pas mal non plus. Ca devient carrément du Boogie-Woogie, c’est du délire ! Emerson inclura même le Deuxième Mouvement de son Concerto pour Piano, en 1977.

Enfin, le Morceau se termine, on reprend comme au Début, Couplet, Refrain, Lake revient avec sa Voix Douce, et on finit avec une Batterie très présente. Comme pour le premier titre, Take A Pebble est un morceau vraiment important, dans le sens ou Emerson n'utilise pas du tout le Moog, et se contente du Son naturel du Piano. C'est aussi un de mes morceaux préférés. Autant The Barbarian est un exemple de Puissance, autant Take A Pebble en est le contre-point, une autre voie, comme il y en a tant dans ce Groupe. Pleins de Trucs à fouiner, pleins d’Ouvertures vers d’autres Genres Musicaux.

Knife Edge - Sur le Motif de la Sinfonietta de Janacek, c’est une Chanson « Normale » avec Couplet et Refrain. Des paroles plutôt énigmatiques, jouant surtout sur les Rimes qu’autre chose. Et puis, vers le Milieu, un Pont, avec dedans un Solo de Bach tiré des Suites Françaises, très beau. Knife Edge est un Bon morceau, mais un peu trop léger, et souffrant trop du Syndrome « On reprend un truc Classique » comme on en voit dans la Discographie de The Nice, le Premier Groupe de Keith Emerson. Magnifique Solo à l’Orgue, puis on reprend en Final. Le Morceau se termine par une Chute de Son s’aggravant de plus en plus, génial !

The Three Fates - Composé de 3 Mouvements, ce Morceau est très à part, et n’a jamais été joué en Concert. Le Nom des Morceaux viennent des Grées, sortes de Sorcières Grecques filant le Fil de la Vie (il y a un très bel Episode d’Ulysse 31 avec ça). Introduction à l’Orgue, Grand, Lourd. Notes très « Cinématographiques ». Et enfin, le Piano arrive, c’est mon Passage Préféré. On est au Début du Deuxième Tiers.

Emerson joue un Thème qui pourrait être tiré de Take A Pebble. Ca tricote, ça tricote, différentes Ambiances, différents Paysages, puis l’Orgue, Grand, Lourd. Il introduit le Troisième Mouvement, très enjoué, sur une Rythmique de Batterie assez Jazz, mais surtout un peu folle. Emerson installe un Riff qui ne s’arrête jamais. A un moment (05:33) une brève accalmie, en retrait, puis on repart ! Tout cela tourbillonne, s’enflamme, puis finit alors qu’Emerson martèle son Piano, puis une Explosion retentit, sourde.

Tank - Sorte d’Ovni. D’abord, la Batterie, superbe, presque Militaire, mais douce. La Basse fait semblant d’improviser, mais tout colle à merveille. Emerson s’éclate à jouer du Clavinet, puis le Thème apparaît, même si c’est dur de dire ce qui est de l’Ordre du Thème ou ce qui est de l’Ordre de l’Improvisation dans ce genre de délire. Un Break, puis on reprend, la Basse est vraiment au poil ici, il faut écouter ça au Walkman pour en saisir toutes les nuances. Emerson joue un Thème, la Batterie fait un Mini-Solo, re-Thème de Clavinet, re-Mini-Solo de Batterie, et enfin, Palmer nous sort son Solo de Batterie.

Plusieurs choses dans ce Solo. La Rapidité. Palmer aime montrer qu’il est rapide. Des Petits Coups sur les Cymbales, on reprend en Caisse Claire. L’Endurance. Plamer exécute alors son truc Légendaire : alors qu’il martèle la Grosse Caisse (qui est ici simple, il faut le voir en vrai pour le croire), il frappe les Deux Gongs derrière lui. Plus Tard, en Concert, ce sera toute la Batterie qui tournera sur elle-même, faisant apparaître les Gongs bien en évidence, brillants, comme Deux Soleils Rugissants. Palmer continue son Solo, et un Son Bizarre arrive, allant de gauche à droite de plus en vite pour enfin nous amener à la Fin du Morceau : Lake joue un Riff régulier, tandis qu’Emerson improvise un Truc avec un Son Aigu qui déchire l’Oreille.

En Concert, la Troisième Partie de Tank ne sera jouée que lors de la Tournée Orchestrale de 1977. En fait, le Solo de Palmer trouvera sa place dans Karn Evil 9, et la Première Partie fera partie du Passage Jazzy de Take A Pebble, Emerson jouant alors avec le Clavinet installé sur le Grand Piano. Il est bon de noter qu’alors que le Premier Album n’est pas encore sorti, les Morceaux sont déjà modifiés, rien que Take A Pebble, et Tank, qui est « coupée en morceaux apparaissant dans d’autres endroits ». L’Exemple le plus flagrant de ce Truc de Modifier (ou de prolonger) certains Morceaux est bien évidemment Tarkus.




Lucky Man - L’Album se termine avec une Ballade de Greg Lake, qui apparemment fut mise là pour remplir l’Album et lui faire dépasser la Barre des 40 Minutes. Cette Ballade fut évidemment le Single qui accompagna la Sortie de l’Album, et qui fit connaître ELP, du moins à la Radio, car en Concert, c’est tout autre chose. Cette Ballade est très Sympa, très Classique, avec à la Fin Emerson concluant la Chanson dans un Déluge de Sons Tordus. En Concert, Lucky Man figurera dans la Section Acoustique de Take A Pebble, aux cotés de Still You Turn Me On, ou encore A Dog Named Blue.

Le Premier Album d’ELP fut vite comparé à The Nice. Emerson est l’Ame des Nice, il est également celle d’ELP, puisqu’il est responsable de toutes les Compositions ou presque. Les Compostions d’Ordre Classiques, les Solos, le coté Jazz, tout cela fait penser à The Nice avec Greg Lake au Chant.


Pourtant, on est en train de s’éloigner de The Nice, surtout avec Carl Palmer. La Meilleure Vidéo sur cette Periode est celle du Lyceum, et celle du Concert en Belgique. A l’Epoque où l’Album sort, lorsque le Groupe joue, tout l’Album est joué (sauf The Three Fates) avec en plus, quelque chose qui sera leur plus Célèbre reprise : Les Tableaux d’une Exposition de Mussorgski. Ce sera la Deuxième Album.


[ 30 Juin 2004 - E-Mail ]