ELP enregistrent chacun des Trucs de leurs cotés. Emerson réussit à enregistrer son Concerto pour Piano, Lake une Poignée de Chansons très réussies, le tout avec un Orchestre, et Palmer se lache définitivement sur des Titres Rock / Jazz / Funk qui tranchent avec le reste. Les 3 Compères se réunissent, se montrent chacun ce qu’ils ont fait, et décident de sortir un Double Album intitulé « Works ».

La Face A sera pour Emerson, la Face B pour Lake, C pour Palmer, et la Face D sera pour les 3 réunis. Cet Album symbolise bien le « chacun dans son coin » qui coulera le Groupe, mais en même temps, montre un réel souci d’explorer pleins de Voies différentes (comme si le Groupe n’en avait pas exploré avant !) et de laisser chaque Membre s’épanouir et pousser à fond son envie.

Le Concerto pour Piano de Keith Emerson est divisé en 3 Mouvements. Le Premier part dans tous les sens, Violons, Cuivres, Flûtes, c’est un Joyeux Bazar que viennent ensuite calmer des Violons, avant de finalement trouver un Chemin, un Escalier de Flûte, puis Accalmie, Clarinette. Un Thème apparaît, aux Violons, puis les Cloches sonnent, et annoncent l’Arrivée d’Emerson.

Emerson joue très sensiblement, donnant la réplique aux Flûtes Moyenâgeuses, derrière, comme une Chansons ! Puis les Violons reviennent soutenir le tout, et on part sur le même Thème, mais joué cette fois-ci par les Chordes et les Cuivres. Re-Emerson, qui continue à développer ce Thème très Pastoral, avec un Piano rappelant Poulenc. Un Motif léger, virevoltant, puis Chute de Piano, bavardages dans tous les sens, puis reprise avant d’embrayer sur quelque chose de similaire, qui finit avec le Début d’un autre Thème, qui deviendra la Thème Principal. C’est un Thème Pictural, qu’Emerson joue tout en douceur, puis avec tout l’Orchestre, comme un Grand Voyage… Magnifique !

Les Cordes reviennent, et les Clarinettes, suivies des Cuivres annoncent le retour d’Emerson. Piano Solo, Thème Principal, puis Emerson se met à partir dans un trip qui rappelle Take A Pebble, juste avant le Passage Acoustique de Lake, sauf que là le propos est moins ordonné, plus libre, et vole dans toute la pièce au lieu de suivre un chemin. A 07.39, on dirait Rhapsdody in Blue !

Puis calme, paix, et… Emerson pose un Riff, comme pour Take A Pebble, et se met à danser autour. Puis revient en Trombe le Thème Principal, qui clôt ce premier Mouvement ! Après, c’est plus Pastoral, et démarre de façon très belle avec cette Amorce de Notes à 10.05. Cette amorce débouche sur un Air Gai qui se développe tranquillement, descriptif.


Mais arrive alors le Morceau de Bravoure : sur un Riff de Piano très agressif, très graphique, les Cuivres et Cordes s’envolent ! Tambours ! Percussions, et là on arrive aux Citations chères à Emerson : pleins de Passage semblent provenir de la Musique de Psychose, d’autres de West Side Story, d’autres d’une Nuit sur le Mont Chauve. Emerson modifie alors la structure, et on repart sur le Thème du Début, qui devient un Magnifique Eclat Final, avec les Cordes dans tous les sens ! On sent qu’Emerson avait envie de l’enregistrer, ce Concerto. Normalement, il devait en faire un Deuxième, mais bon.

La Face de Lake est sympa comme tout ! Cinq Chansons + Orchestre, avec sa Voix Sublime, sur des Paroles de Pete Sinfield. Hallowed Be Thy Name est pas mal, avec ce Rythme Rigolo. Closer To Believing est une Ballade Romantique comme Lake a toujours voulu écrire. La Troisième Chanson « C'est La Vie » est sympa, à part le Solo d’Accordéon pour « faire Frenchie ». Lend Your Love To Me Tonight est un Sommet, sûrement la Meilleure de Lake pour moi, avec ces Cordes derrière, glissantes, qui s’envolent. Nobody Loves You Like I Do est plus anecdotique.


La Face de Palmer est Grandiose ! The Enemy God Dances With The Black Spirits est une Version du Deuxième Mouvement de la suite Scythe de Prokofiev. C’est une Tuerie. Très violente pour l’Epoque, avec des rythmes barbares, des rythmes en montagnes russes, et des violons crissant dans tous les sens lors du « Refrain », l’Introduction rappelle évidemment le Thème des Dents de la Mer, avec ces deux notes régulières tandis que retentit le Thème Principal.

« LA Nights » est pas trop mal, sans plus. « New Orleans » ne me fait aucun effet. Par contre, avec Two Part Invention In D Minor, Palmer joue du Xylophone, et c’est adorable. On arrive alors dans Food For Your Soul !


Food For Your Soul est Grande, très Grande ! Démarrant à fond les Cuivres, tandis que Palmer s’enflamme sur la Batterie, c’est un Morceau qui ne s’arrête jamais, part dans pleins de directions, avec la Guitare, et ce Rythme d’Enfer !!! Ca dure Quatre Minutes, mais on dirait un Quart d’Heure ! Solo de Palmer, puis on passe à un autre Truc ! Gong ! Riff en Escalier qui descend, et Guitares et cuivres emportant tous sur leur Passage ! Autre Solo ! Puis autre Rythme, avec de la Flûte ! Magnifique !!!! Enfin, Palmer nous sort une Version Orchestrale de Tank du Premier Album. Très bonne, avec pleins de détails, malgré une Interprétation peut-être un peu moins « folle » que l’Originale, plus « propre ». Fin des Faces « Solo », on passe a la Face D, celle du Groupe réuni.




Fanfare For The Common Man est la Version ELP du Thème de d’Aaron Copland, le même Copland qu’Emerson aime beaucoup et dont il a repris le « Hoedown » qui figure sur Trilogy. Cette Version par ELP de « Fanfare » est pas mal du tout, mais trop lente comparée aux autres Versions qu’on entendra dans les Concerts, pleins de Fougue et de Puissance. Ce Morceau ne présente pas grand intérêt : Ligne de Basse de Lake permettant à Emerson de s’amuser avec ses Solos, tandis que palmer improvise ici et là. En Concert, ce Morceau sera un Excellent piédestal pour la Torture de l’Orgue !

« Pirates » est le Dernier Morceau d’ELP au Top de sa Forme. C’est un Morceau épique de Quinze Minutes dans la même Veine que Tarkus ou Karn Evil 9, mais là ça dure moins longtemps. J’imagines que Keith Emerson devait en rêver depuis longtemps, d’un morceau où lui et Palmer pourraient s’amuser et se regarder. Emerson et Palmer se regardent beaucoup sur Scène, Lake et Emerson, pratiquement jamais.


Il y a toujours eu un Froid entre eux, depuis la Direction prise par le Groupe lors de Tarkus, rompant avec le coté « Classique » pour s’embarquer dans un Voyage plus « Cosmique Barriolé » avec Tarkus. Dans Pirates, on arrive à une sorte de cohésion entre les Trois Membres. Lake est très présent, module sa Voix à de nombreux endroits, et chante des Paroles écrites avec Peter Sinfield, de toute beauté, pleines de détails sur l’Epoque des Pirates.

On pourrait discuter des heures sur ce problème dans certains Trucs Rock Progressif : c’est tellement « parlant » que l’imaginaire de l’auditeur n’y a pas sa place. Exemple : Jethro Tull (A Passion Play) ou Genesis (Peter Gabriel). Paroles Riches, et Fouillées, Orchestre très présent, Emerson dont la Présence est presque (presque !) limite à un Accompagnement, sauf dans la Deuxième Moitié, plus Rock’N Roll. C’est donc un Morceau très Réussi, dont le Coté « Broadway » en rebute plus d’un, car on passe d’une Epoque Tordue, Bizarre et Dingue (Karn Evil 9) au Monde plus fermé et imagé des Pirates.

Ca commence par une Longue Enfilade de Cuivres qui ouvrent le Bal, avec des Percussions dans le fond, puis les Violons instaurent le Motif Principal, comme une Danse. Puis, ça va plus vite, c’est très très Figuratif, avec pleins d’Envolées Lyriques, des Citations, et un Forme de tous les Diables ! Flûtes ! Musique de Film de Pirates !


Lake arrive alors avec des Paroles qu’il chante Sublimement, comme il n’a jamais chanté ! Les Rimes sont bien trouvées, et Lake varie les Voix souvent tandis que les Cordes de l’Orchestre chantent véritablement ! Petit Passage de Synthé avec Emerson. On entend pas trop la basse, sauf dans la partie « Rock’N Roll » à la Deuxième Moitié. Encore un Petit passage Calme, en Pizzicatti ! Puis ça repart tranquillement, Couplet, Ponts, Couplet, et le Sommet avec « They will serve you and clothe you, Exchange your rags for the Velvet Coats of Kings »


Là, Passage Instrumental, puis le Capitaine a gagné la Ville : « Who'll drink a toast with me, I give you Liberty, This town is ours... tonight ! » Et là, on entre dans la partie Rock’N Roll de Pirates. C’est une Grande Fête dans les Caraïbes, avec pleins de Détails dans les Paroles. Emerson fait son Petit Solo, l’Orchestre s’éclipsant pour cette Partie du Morceau. On est en Plein Rock Progressif, le Thème du Début revient, et Lake aussi, avec les Paroles Superbes : « Bring me peach and peacock till I burst… But first… » avec le « But first » que j’adore !!! Tout cela s’emballe, puis l’Orchestre revient pour jouer le Refrain, et le Morceau s’achève en Fanfare ! « I will take you always forever together, Until hell call our names... » Instrumentation très Imagée, le Groupe réussit vraiment à nous emporter dans l’Univers des Pirates. Brillant !

Pour cet album, ELP partira en tournée avec un Orchestre. Mais les places ne se vendant pas aussi bien que prévu, ils doivent enlever l'Orchestre au bout de Deux Semaines, puis tournent à Trois pour renflouer les Caisses. Après cette tournée qui leur coûte plein d’Argent, ils sortent Works Volume 2.


[ 30 Juin 2004 - E-Mail ]