Bon c'est un peu Cul-Cul la Praline mais j'aime bien. Félix Arvers - Mes Heures Perdues.

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire ;
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.

A l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, en lisant ces vers tout remplis d'elle :
"Quelle est donc cette femme ?" et ne comprendra pas.


Par contre, ci-dessous, c'est de la Tres Grande Poésie. Léo ferré - Préface.


La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction. Elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore.. On ne prend les mots qu'avec des gants : à "menstruel "on préfère "périodique ", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qu'il ne faut pas sortir des laboratoires ou du codex.

Le snobisme scolaire qui consiste en poesie à n'employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot.

Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes: ce sont des dactylographes. Le poète d'aujourd'hui doit appartenir à une caste, à un parti ou au Tout-Paris. Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé.

La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche. L'embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires c'est encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune.

Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, Ravel avait une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique, Beethoven était sourd, il a fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, Rutebeuf avait faim, Villon volait pour manger. Tout le monde s'en fout, l'art n'est pas un bureau d'anthropométrie. . La lumière ne se fait que sur les tombes. Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique. La musique se vend comme du savon à barbe Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt: les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir ?

Avec nos avions qui dament le pion au soleil, avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues ", nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions. N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres. . Les plus beaux chants sont des chants de revendication. Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. A l'école de la poésie, on n'apprend pas: on se bat !




[ 23 Novembre 2004 - E-Mail ]