Je ne sais pas trop comment décrire cette Joie, ce Bonheur Doux qui vous envahit lorsqu’on est au chaud, à l’intérieur, et que dehors, il flotte, il flotte terriblement. Ce coup-ci, je suis au Travail, dans un de ces longs moments de Calme qui fait qu’on prend une pose absente sans le savoir et que l’on regarde à la fenêtre pendant trois minutes qui nous paraissent durer cinquante. Il fait gris léger. Les Nuages sont partout, ils sont tous collés les uns aux autres, pas un rayon de soleil. En ouvrant la fenêtre, pas un son, même pas un petit vent. Tout est figé, les Arbres ne bougent pas, c’est un de ces « moment d’avant » que j’affectionne particulièrement.

L’Ordinateur est planté, bugué, grillé, par terre, le Disque Dur est trop vieux, sûrement rouillé pourri grignoté par des cafards, Matériel de Daube. On a un super écran plat, un super bureau design, mais il faut qu’on se tape un Windows 98 avec un Processeur 400 Mhz. L’idéal quoi ; cette fois-ci je ne tenterais même pas de le débloquer. Je préfère rien faire, cet après-midi. Je préfère regarder par la fenêtre, et attendre la Pluie. La Pluie arrive vite, il suffit de demander.




En attendant qu’un autre Ordinateur soit disponible, j’ai quarante cinq minutes à tuer. Le Bonheur, quoi. Walkman ? Allez, Walkman. Keith Jarrett, le Koln Concert ? Et puis non, finalement je veux entendre la Pluie. D’abord quelques gouttes tombent, on les entend au bruit qu’elles font en s’éclatant sur les feuilles. L’odeur de l’ozone s’est répandue un peu partout dans le bureau. L’eau coule le long des Troncs, les lavant, faisant apparaître une autre couleur, des teintes verdâtres, brunes sombres.

Des Bruits différents selon l’endroit où tombent les gouttes. Sur les feuilles, sur le béton, sur le rebord en zinc de la fenêtre, dans des flaques. Sur les feuilles, c’est le meilleur bruit : sec, claquant, direct. Après, la branche se balance, faisant tomber d’autres gouttes qui étaient accrochées à celle-ci, comme des perles. La Pluie donne des reflets brillants au Tronc, aux Branches, tout en les assombrissant, comme un vêtement trempé. En face de moi, il y a un autre bureau, la Pluie fait un rideau entre ces deux bureaux. Le Vent arrive, faisant varier l’inclinaison de la pluie, tantôt droite, tantôt oblique. Ce Bruit, c’est comme des applaudissements. Un Rideau similaire à celui qui arrive lorsqu’on regarder défiler la route de près, par la fenêtre, également. J’aime.


[12 Juin 2004 - E-Mail ]