Un Lundi Matin, un Autre Travail, dans une autre Boite. L’Arrivée dans la Zone Industrielle où se situe cette Boite me file des Frissons. Tous ces Batiments-Entrepots Identiques me filent la Chair de Poule. Aucun Signe de Vie, mais des Millions de Voitures garées partout, partout, partout. Un Soleil de Plomb, un Silence de Mort, ça commence bien. Il est Midi.

Arrivée dans les Locaux, Silencieux, une Simple Porte Fumée comme pour qu’on ne voit pas à quel Point il fait Mort. J’entre, je cherche mon Chemin, je me promène, je retrouve ces mêmes Couloirs Marrons, Blancs, avec les Traditionnelles Plantes Vertes Desséchées qui donnent un Semblant de Vie aux Affiches destinées au Personnel (CFDT, CGT, Force Ouvrière…) qui sont les Seules Choses Colorées dans ce Monde. Des fois, il y a même des Images sur ces Affiches, pour se souvenir que tout ce petit Monde est peuplé de Vrais Gens, des Gens qui ne sourient que sur les Affiches. Je trouve la Salle de Pause, sorte de Salle Vide meublée par 3 Distributeurs de Boissons, Gâteaux etc. Pas de Fenêtres, une Peinture Jaune (ou Blanche Vieillie), et un Ronronnement Régulier, celui du Distributeur de Boissons, qui donne un semblant « d’Activité », la seule chose dans cette Salle qui dit qu’il est en Train de se passer quelque chose. Finalement, en me promenant dans des Bureaux, je tombe sur une Personne, je me présente.


On me fait passer dans une Immense Salle remplie de Machines destinés à trier le Courrier. Je marche d’un pas tremblotant, ayant reniflé d’un peu trop près l’Haleine de la Dame qui m’a accueillie, et qui pue de la Gueule. C’est pas Possible Nom de Dieu ça coûte quoi de se Brosser les Dents 3 Minutes le Matin Bordel de Foutre un peu de Dentifrice, une Brosse à Dent, un Verre d’Eau, et tout le Monde passe une Meilleure Journée ! Pour continuer dans l’Immonde, j’essaye d’imaginer les Choses qu’elle a du Manger pour avoir une Haleine de Bouc, j’imagine son Mec, ou son Mari, ou ses Enfants, lorsqu’elle leur fait la Bise, chacun retenant sa respiration pendant un moment pour éviter de vomir, les Yeux Révulsés.

Les Machines font un Boucan de tous les Diables, j’aperçois les Gens qui travaillent là, et je prie pour ne pas être avec eux. Je pense au Film Midnight Express. J’ai Peur. Un Gros Monsieur m’accueille, il sue de partout, c’est une Horreur, j’espère avoir à faire le moins possible avec lui. Lorsqu’il me parle, je vois sa Langue dodeliner dans sa Bouche, au Milieu de la Bave, des Dents qui tiennent par Miracle. Je retiens un Fou-Rire Nerveux en imaginant qu’une de ses Quenottes se fasse la Belle et tombe sur le Carrelage. Alors, les Machines s’arrêteraient, et tout le Monde se mettrait à chercher le Chicot du Chef tombée sous une de ces Machines… Pure Comédie. Les Innombrables Teintes Roses et Rouges formant l’Intérieur de sa Bouche me font plus penser à un Anus de Vache qu’à la Bouche d’un Manager en Chef. Une Pensée émue m’envahit lorsque j’imagine ce Type à Poil, tombé de sa Chaise alors qu’il essayait de changer l’Ampoule du Salon, la Jambe Cassée, Pleurant, seul dans sa Douleur. Dépression. Suicide.

Houla ! J’en ai eu des plus Gaies, des Pensées, en observant les Gens au Travail. Je me réveille, ce Rêve a duré 20 Secondes, j’écarquille les Yeux, le Gros Monsieur se lève, le Fauteuil grince, et il me fait traverser la Grande salle pour arriver dans un autre secteur. Je vois alors de près les Gens travaillant sur les Machines Bruyantes. Ils ont des Boules Quiès, et leur Visage ne laisse transparaître aucune Emotion. J’ai très peur. Je les regarde, ils sont comme moi. Nous arrivons dans une Petite Salle, avec des Bureaux et des Ordinateurs dessus. Et RIEN d’autre. Même pas de Tableau Pourri au Mur, même pas de Plante Verte. Une Femme m’accueille, le Gros Chef s’en va - l’Occasion de voir son Cul Immense se balancer une Dernière Fois.


Une autre Femme me tend la Main pour me dire Bonjour. Et là… Je me dis qu’il y a un Problème, tout cela est trop Téléphoné : elle pue AUSSI de la Gueule ! Y a une Caméra cachée dans la Salle ? C’est pas possible ! Personne ne se brosse les Dents dans cette Boite ? Ca commence à bien faire, je crève de chaud, la Dame m’explique mon Boulot, et à ma Grande Tristesse, le Temps s’écoule ici plus lentement qu’ailleurs. Je suis tombé dans un Gouffre Temporel. Devant moi, l’Ordinateur ne fait pas la Gueule, il n’est pas Triste, pas Heureux, il n’a simplement pas d’Expression. Sur un Fond Noir, des Lettres Vertes Fluo dansent, viennent, s’en vont, et j’ai les Larmes aux Yeux. Je ne veux pas rester ici, c’est trop Mort. J’ai le Choix, je PEUX me casser, si j’veux, et tant pis, j’irais ailleurs, comme d’habitude. Je me ressaisis, je me dis que ça peut « aller mieux » en laissant passer une Demi-Heure. La Demi-Heure se passe de la Façon la plus Morbide qui soit. Des Femmes travaillent à coté de moi, sans Expression, le Visage collé à l’Ecran.

Un Homme arrive, et distribue d’autres Documents pour Travailler. Il s’approche de moi, me tend des Papiers, et tout en me souriant, dégage une Odeur Pestilentielle. J’aurais préféré qu’on me trempe comme un Sachet de Thé, suspendu par les Pieds, dans une Fosse remplie de Malades Peste Bubonique, me crachant des Glaviots Infectés, me jetant leurs Glaires de la Veille, plutôt que de subir l’Haleine de cet Homme, le tout avec un Sourire de Glace. C’est trop, j’en ai marre, je ne touche plus au Clavier. Je reste comme ça Cinq Bonnes Minutes à me demander si quand je partirais, je le ferais en Hurlant ou en me Bouchant le Nez. C’est décidé, je m’en vais, je ne veux pas Pourrir ici. Pourrir ici serait pire que la Mort. J’ai le Choix, j’ai la Possibilité, si je ne fais rien je suis une Larve. Je décline. Le Gros-Qui-Bave récupère mon Badge que j’aurais effleuré à peine une Heure. Il me regarde d’un Drôle d’Air, je n’y fais même pas attention, dans ma Tête je suis déjà dehors, en train de Courir vers la Voiture, triturant frénétiquement la Serrure avec la Clé pour vite ouvrir la Portière, mettre la Première, et foncer chez moi prendre un Bain de Quatre Heures.




Dehors, l’Air est Beau, Frais, et le Monde est Merveilleux. J’ai failli Mourir. Je ne regarde pas derrière moi, je m’en vais d’un pas pressé, et à peine dans mon Bolide Salvateur, je lâche un Gros Soupir, puis dans les Secondes d’après, la Mélodie de Fin de Supper’s Ready me vient automatiquement. « We have finally been freed to get back home… » Aussitôt rentré, j’ai juste le Temps de Manger, de passer un Coup de Fil, et d’accepter une autre Offre, dans un Bureau que je connais déjà, celui avec la Fille qui écoute Chérie FM toute la Journée. C’est la Suite de cette Folle Journée, et c’est ci-dessous.

Loin du Cimetière de l’Autre Boite, je me sens Heureux. C’est un Travail Chiant, Répétitif, mais… C’est toujours mieux que l’autre dont je me suis sauvé. J’en arrive même à aimer Chérie FM (c’est dire si je me Ramollit avec Complaisance) qui un moment me passe Suzanne Vega avec sa Chanson « Luka » (qui habite au Deuxième Etage, et nous sommes au Premier dans cette Boite). Tout me semble Beau, Propre, Frais. Je retrouve avec Bonheur mes Chers Trombones, Agrafes, Trouilloteurs et cette Chère Photocopieuse. Fauteuil, Confort, et Horaire Sympa. Je pense aux Gens de l’autre Boite, coincés là-bas avec un CDI dans leur Zone Industrielle, suant, puants, avec des Programmes même pas Beaux.

Plus Merveilleux encore, je retrouve mes Toilettes. Je m’installe, et attend que la Minuterie se termine, et Clac ! La Lumière s’éteint, et nous voilà partis pour les Etoiles du Cosmos ! Cuvette in Space ! La Tuyauterie s’allonge, et la Cuvette des WC - et moi dessus, me cramponnant à la Lunette - pousse tel un Haricot Magique pour me transporter dans l’Espace. Tel un Long Spaghetti, je me promène dans la Voie Lactée. Je croise cette Bonne Veille Comète de Halley, et ouvre Grand ma Bouche pour essayer d’attraper les Cristaux que la Généreuse abandonne sur sa Route. Ceux qui ne rentrent pas dans ma Bouche rentrent tels des Aiguilles dans mon Corps, éclatant une fois à l’Intérieur, et répandant une Souffle Glacé idéal dans ce Travail ou la Chaleur m’étouffe. Gobons des Cristaux, gobons des Cristaux

Chlac ! Un Connard entre dans les Toilettes pour se laver les Mains. Le Spaghetti se rembobine à la Vitesse de l’Eclair et me voilà revenu dans les Toilettes Blanc Cassé. Retour à la Réalité. Je dois de nouveau jouer à faire semblant d’être normal, alors que tout ce que je veux, en cette Journée de l’Eau, c’est une Baston de Boulettes de papiers Trempées dans les WC. Souvenir de Bastons Similaires au Lycée, avec un Ami qui me manque, ou plutôt son Souvenir. Tu m’manques, merde. Lavage de Main, et retour au Turbin.

Coincé avec un Classeur sous mes Yeux, je dois ranger des Documents par Ordre de Montant. Le Seul Truc pour échapper à ça, c’est de me dire que je suis dans un Livre dont je suis le Héros. Je ne fais que ça : travestir la Réalité pour mieux la Supporter. Est-ce me voiler la face, me leurrer, me mentir ? Oui. Mais c’est ça où je pète les Plombs. Le Choix est vite fait. Je transperce le Monstre de la page 2302 avec une Agrafeuse, mais le Sol s’effondre, et je dégringole dans la Salle Putride de la page 1660. Je lance les Dés, fais 1207, et réussit à lancer un Grappin qui me permet de revenir au moins jusqu’à la Page 245. Mais c’est un Piège, devant moi, au loin dans cette Grotte Mystérieuse j’entends une Mélodie : Eros Ramazotti. Y a-t-il une Chose plus Dégoulinante au Monde que la Variété Italienne à la Laura Pausini, Andrea Bocelli, Toto Cutugno ou Ricchi e Poverri ? Non. En faisant le Vide, j’arrive à recomposer les Notes, et je repense à Ricochet, de Tangerine Dream. Les Chanteurs de Variété Italienne meurent instantanément, et je peux enfin entrer chez moi. Au calme.




[ 11 Avril 2005 - E-Mail ]